L'État est le premier prédateur concernant la vie privée : par une interprétation tendancieuse de son rôle de « gardien de la paix », il tente parfois de violer l'intimité des citoyens. Sous prétexte d'assurer « l'ordre public » (notion suffisament vague pour justifier tout et n'importe quoi), il organise le fichage massif de la population. Par exemple, en juillet 2008, on a vu se mettre en place deux gros fichiers : Edvige (décret), qui recense notamment les personnes exerçant ou ayant exercé « un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif » et les groupes ou personnes « susceptibles de porter atteinte à l'ordre public » et contenant aussi des « données relatives à l'environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle », et Cristina, sur lequel on a beaucoup moins d'informations (« secret défense »). On pourrait aussi citer le FNAEG (contenant les empreintes génétiques des individus), sur lequel sont (plus ou moins) automatiquement inscrits tout ceux qui peuvent avoir affaire à la police. Suite à la mobilisation populaire, Edvige a été retiré, avant d'être réintroduit sous le nome d'EDVIRSP, avec moins de portée qu'Edvige.
Le seul organisme indépendant chargé d'assurer la régulation de ce type de fichiers, la CNIL, créée il y a 30 ans suite au projet SAFARI (qui avait finalement été annulé, suite à l'opposition citoyenne), a perdu petit à petit tout pouvoir sur les politiques du gouvernement. Les décrets successifs ont réduit son rôle à l'expression d'un « avis » sur ces fichiers, sans que le gouvernement ait à en tenir compte. Ainsi, la CNIL a émis des « réserves » sur les fichiers Edvige et Cristina, ce qui n'a pas empêcé qu'ils soient mis en place (sans modification). Seule l'opposition d'associations a permis de faire bouger (un peu les choses).
Le danger se situe à plusieurs niveaux. D'abord, pour les citoyens désirant s'impliquer dans le tissu social, politique ou religieux de notre pays : le fait d'être fiché représente un premier frein à cette implication, mais aussi une menace future. En effet, des responsables politiques pourraient être intéressés par le contenu de telles fiches concernant, par exemple, leurs opposants. Les médias sont aussi friands d'informations que ces personnes ne souhaiteraient pas diffuser (sur leur passé), et les « fuites » (qu'elles soient accidentelles ... ou non) peuvent s'avérer dommageables pour de telles personnes. Ensuite, ces renseignements seront exploités lors d'enquêtes administratives (ils sont notamment prévus pour ça), et un citoyen demandant un emploi au service de l'État pourrait voir sa demande rejetée car, par exemple, « vous vous êtes impliqués dans des manifestations lycéeennes quand vous étiez jeunes » (les individus à partir de 13 ans peuvent être fichés).
Plusieurs systèmes peuvent servir à tracer un individu, à en identifier les habitudes et le comportement, même si ce n'est pas la vocation première de ces systèmes. Cartes bancaires et cartes de fidélité dans les magasins, téléphones portables, cartes de transport nominatives (NaviGo et autres), ... Les informatios collectées par ces systèmes permettent d'établir le profil des utilisateurs, d'identifier leurs habitudes et leur mode de vie. Ils peuvent aussi donner une idée de leurs idées et leurs engagements, qu'ils soient politiques, syndicaux ou autre (exemple simple : l'individu est repéré, par son portable ou sa carte de transports, régulièrement à proximité de rassemblements politiques, ou a acheté, par carte bancaire, « Le capital », de Marx). De nombreuses personnes, physiques ou morales, peuvent être intéressées par ces informations : entreprises souhaitant vous vendre un produit (publicité ciblée), forces de l'ordre essayant de repérer les « comportements suspects », ou simplement des personnes qui peuvent vous vouloir du mal (diffuser des informations dérangeantes sur vous).
Attention : je n'ai pas dit que ces fichiers servaient à faire cela. Je ne fais que pointer du doigt un danger qui existe. Le problème est que nous n'avons aucun moyen de savoir si ces craintes sont fondées, car ces systèmes reposent sur le secret, et il est impossible d'être certain de l'utilisation qui est faite de ces informations (sauf à avoir confiance à ceux qui en ont les clés).
Le meilleur moyen de se protéger contre ces dangers est probablement de ne pas utiliser ces systèmes, de s'opposer à ceux qui veulent les rendre obligatoires (pass NaviGo pour les transports, par exemple). On a vécu des siècles sans téléphone portable, pourquoi ne pourrait-on plus s'en passer aujourd'hui ? Le téléphone fixe suffit amplement, et ne nous suit pas où que nous allions. De même, il n'est pas obligatoire d'utiliser de carte bancaire. Il est toujours possible de payer en espèces.
Lorsque vous envoyez un message à un contact par mail, il transite sur plusieurs ordinateurs avant d'être transmis à son destinataire. Chaque ordinateur en garde une copie, pour un certain temps. Autrement dit, un mail que vous envoyez est encore moins confidentiel qu'une carte postale que les services postaux peuvent lire sans que cela soit vu, puisque dans le cas présent, c'est comme si le facteur gardait une copie de la carte. Cette situation fait des communications électroniques une source d'information de choix pour quiconque souhaiterait violer votre vie privée. Et ce sera probablement une des principales sources d'information pour compléter le fichier Edvige.
Afin que les correspondances électroniques restent, à l'image des correspondances épistolaires, privées et confidentielles, je vous invite à chiffrer les mails que vous me faites parvenir, même les plus anodins, et à inviter vos contacts à faire de même. Une méthode relativement standard de chiffrement est PGP : qui repose sur une paire de clés. Avec ce système, vous possédez deux clés : un clé privée (secrète, que vous gardez bien à l'abri sur une clé USB sur vous, par exemple), qui permet de déchiffrer les missages qui vous sont transmis, et une clé publique (que vous donnez à vos correspondants), qui permet de chiffrer les messages. Ma clé publique est la 17FF624E : veuillez l'utiliser pour m'envoyer des mails, c'est plus sûr. Je vous recommande fortement de vous créer une clé (et de m'envoyer la clé publique) : un tutorial vous explique comment créer une clé et chiffrer vos mails, que ce soit sous Windows, GNU/Linux ou Mac.
En novlangue, on appelle ça la « vidéo-tranquillité », et ça commence à se répandre un peu partout : dans les magasins, les couloirs de métro, les établissements scolaires, la rue, ... Cette prolifération est dangereuse autant qu'inutile.
Dangereuse car c'est une atteinte de plus à la vie privée. Certains répondent que « La rue n'est pas un espace privé ». Certes. Cependant, mon parcours, ma destination est une information, le plus souvent, privée. La différence d'avec un policier au coin de la rue qui regarde les gens qui passent, c'est que la caméra de vidéo-surveillance est déployée à une échelle gigantesque, et permet de suivre, à distance, n'importe qui. Ces systèmes permettent l'accès à des informations privées. Ensuite, elles nous privent d'une certaine liberté : c'est peut-être bète, mais je crois que je serais bien plus porté à commencer une danse de rue (je suis piètre danseur), ou à crier « je vous aime » s'il n'y avait pas de caméra. Se sachant observé (et enregistré), on a tendance à vouloir ne pas se démarquer, à avoir une attitude neutre. Pour cette raison, les caméras empêchent toute légereté insouciante, que notre esprit oppressé par les stress de la vie moderne aurait envie d'exprimer. Et ça, c'est triste (cet argument n'a pas forcément le même poids que celui de l'atteinte à la vie privée, selon le point de vue).
Inutile car les études faites sur les systèmes de vidéo-surveillance le montrent : la plupart du temps, les caméras sont mal orientées, n'ont pas une précision suffisante, ou n'enregistrent pas les images. C'est ce qu'explique Bruce Schneier dans un article du Guardian (rappelons que Londres est à la pointe de la technologie en matière de vidéo-surveillance, avec une caméra pour 14 habitants).
Il me semble donc important, quand on en a le pouvoir, de s'inquiéter des finalités des systèmes de vidéo-surveillance, d'évaluer l'adéquation entre ces finalités et les caractéristiques techniques du système proposé, puis, le cas échéant, de s'opposer à la mise en place de tels systèmes liberticides.
Les systèmes de vidéo-surveillance sont, en France, encadrés par la loi : celle du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité (et notamment l'article 10), le décret d'application, du 17 octobre 1996 et l'arrêté du 3 août 2007 (concernant les normes techniques à mettre en œuvre). Ces textes imposent un certain nombre d'obligations aux systèmes qui filment la voie publique. D'abord : « Le public est informé de manière claire et permanente de l'existence du système de vidéosurveillance et de l'autorité ou de la personne responsable » (paragraphe 5, alinéa 2 de l'article 10 de la loi du 21/01/1995) : si vous voyez une caméra filmant la voie publique sans que soit signalé (à proximité) la présence de cette caméra, vous pouvez être sûr que ce système est hors-la-loi. Je ne sais pas si vous pouvez porter plainte, mais m'est avis que si vous détruisez ladite caméra, son propriétaire aura du mal à porter plainte. Ensuite, il faut que ce système soit autorisé par une commission départementale (il semblerait que ce soit rarement le cas, autrement dit que la plupart de ces systèmes soient hors-la-loi). Enfin, si la caméra est doté d'un système d'enregistrement des images, vous pouvez demander à voir les images vous concernant : c'est un droit garanti par l'alinéa 5 de l'article 10. Pensez à le faire valoir quand vous en avez l'occasion, il serait regrettable que ce droit s'use bêtement parcequ'on ne l'utilise pas.
De nombreux citoyens sont conscients des dérives de la société actuelle. Ils s'organisent en réseau et, inlassablement, notent toutes les atteintes à la vie privée, aux libertés fondamentales, et à notre démocratie. Citons, notamment :
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